jeudi 4 décembre 2008

Il était une fois - Episode 10


A cet instant précis, un événement curieux se produisit. Vérité, ce troll de deux mètres de haut au poil épais, regarda avec un attendrissement évident la jeune femme pâle et évanouie qu'il portait dans ses bras. Puis, il l'amena avec moult précaution dans une tente. Les autres comprirent qu'ils briseraient quelque chose en intervenant, aussi se dirigèrent-ils vers la soupe fumante et se mirent calmement à manger, laissant Vérite s'occuper d'Ornella. Seul Libellule, plein de curiosité, alla jeter un coup d'œil dans la tente. Et voici ce qu'il vit : le grand troll penché sur la jeune femme d'une pâleur inquiétante lui murmurait de tendres mots. Elle était magnifique avec ses cheveux bruns éparpillés sur l'oreiller, ses paupières closes où des larmes perlaient et ses lèvres entrouvertes semblables à des pétales de roses. La large patte du troll emprisonnait la fine et gracieuse main de la jeune fille. Libellule se sentit voyeur, mais sa curiosité le maintenait enraciné au sol. Et il serait sûrement resté planté là, si le troll ne l'avait pas remarqué. A regret, Vérité sortit de la tente, ramassa le curieux et rejoignit les autres qui mangeaient, non sans avoir menacé le lutin.

– Tu n'as pas intérêt à raconter une miette de ce que tu as vu, sinon je t'écrase comme une mouche, ou plutôt comme une libellule.

La soupe finie, la compagnie organisa les tours de gardes. Seulement, comme le ciel était désormais gris et immobile, savoir l'heure était du domaine de l'impossible. Vérité décida qu'un tour de garde durerait autant de temps que celui qui ne dormait pas, ne sentait pas le sommeil qui l'emportait. Tous acceptèrent et chacun alla dormir, à l'exception de Vérité qui avait pris le premier tour de garde. Les filles se glissèrent dans une tente, et les mâles dans l'autre. Dès qu'ils eurent posé la tête sur l'oreiller, ils sombrèrent dans le sommeil. Cependant, s'ils n'eurent pas de problèmes pour s'endormir, le sommeil fut agité. Effectivement, le mal rôdait dans les parages, et il décida de commencer la bataille contre les douze mois. Alors que nos amis dormaient profondément, le mal s'infiltra sournoisement dans leurs esprits et y découvrit leur plus grand cauchemar. Puis, après un rire inévitablement sardonique (mais inaudible), il projeta les cauchemars dans la tête de nos amis et s'arrangea pour qu'ils soient encore plus terribles que dans l'imagination de nos héros.

Libellule se mit à rêver qu'il vivait dans un monde où il n'était pas plus grand qu'un grain de sable par rapport aux humains. Il était sur une belle plage de sable blanc et tout allait bien, quand tout à coup, des pieds énormes arrivèrent. Il voulut s'éloigner pour éviter les pieds, mais ils en venaient toujours plus et malgré sa fuite éperdue, il finit par se jeter sous un pied en cherchant à échapper à un autre. Le pied se posa d'un coup sec sur le sol écrasant de son poids énorme le pauvre lutin. Dans un cri, Libellule se réveilla. Mais revenons en arrière, car, chaque cauchemar se déroula au même moment. Ainsi, Yvi rêva que ses rides se propageaient, que son corps se tassait et qu'elle mourrait de vieillesse. Elle vit alors son corps se décomposer lentement - horrible spectacle dont les détails ne sont pas à raconter. Yvi hurla et son cri se confondit avec celui du chevalier qui avait rêvé de batailles. Courageux, presque téméraire, il avait tendance à se jeter dans le combat avec une bravoure sans pareille. Et voilà que brusquement au beau milieu de son sommeil, il devint un pleutre vantard. Ses camarades croyant qu'il était un héros, car il se vantait à tort et à travers d'exploits imaginaires, lui confièrent un haut poste de commandant lors d'une bataille. Mais juste au moment de se lancer dans la mêlée, le chevalier se défila lâchement, abandonnant à leur triste sort ses camarades qui lui jetèrent des regards pleins de haine. Nyssa aussi fut choquée par son cauchemar. Elle commença par rêver d'un décor idyllique où elle était habillée comme une reine et adulée par l'elfe de son coeur, puis l'image se troubla : les vêtements devinrent des haillons, ses courts cheveux roses tombèrent, son visage s'enlaidit, et tous l'abandonnèrent. Pendant ce temps, Pierrot qui avait le don de lire l'avenir écrit dans les astres, de comprendre la destinée et de voir à travers les êtres, rêva pour sa plus grande horreur que ses facultés lui échappaient. Il ne voyait plus dans le ciel que de simples constellations et non les mots de demain. Les voies du destin devinrent impénétrables, il ne pouvait plus distinguer la trame de la destinée. Il était comme aveugle. Il était un simple petit garçon sans don particulier, un futur garde des prisons d'un château minable. Son hurlement se mêla au cri d'angoisse d'Ornella qui, au lieu de soigner les enfants blessés dans son laboratoire, les marquaient au fer rouge, juste à l'endroit où ils s'étaient fait mal. Et elle avait le sourire aux lèvres. Quant à Piscis, c'est en hoquetant et non en criant qu'il se réveilla. Il avait en effet rêvé que les écailles de poisson qui recouvraient sa moitié humaine, atteignaient sa partie chevaline. Il galopait joyeusement dans l'herbe entouré de papillons quand sa robe blanche s'était couverte d'écailles rouges et brûlantes qui le démangeaient atrocement. Il s'était alors transformé complètement en poisson et s'était mis à suffoquer : il ne pouvait pas respirer l'air avec ses branchies. Tous les compagnons se réveillèrent donc en même temps, même Kinglion que le mal n'avait pas réussi à faire véritablement cauchemarder, car Kinglion n'avait peur de rien. Il était déjà maudit après tout, déjà condamné à un cauchemar auquel il s'était résigné. Quand à Vérité, bien qu'il ait été poussé par le mal à s'endormir, il n'avait pas cédé au sommeil. Aussi était-il bien réveillé quand il entendit les cris de souffrances qui s'échappaient des tentes. Il n'osa pas entrer dans la tente des filles, mais ouvrit en grand celle de ses compagnons.
– Qu'est-ce qui se passe ? Des araignées ? demanda Vérité.

1 commentaire:

Unknown a dit…

j'attends la suite
l'action piétine un peu!