Marc,
Là je m’arrêtai, elle n’avait pas mis de « cher » , pourquoi ? Je repris ma lecture :
Merci de tes ennuyeuses explications. Je vais t’avouer que je ne suis moi non plus pas très observatrice puisque que jusqu’à maintenant, je n’avais pas remarqué que tu prenais toujours les mêmes formules de politesse que moi. J’appelle cela de la copie, et je déteste les copieurs.
Là, j’interrompis ma lecture, en pensant que les filles exagéraient toujours (toutes les mêmes, qu’elles soient Zywakiennes ou Terriennes !) car au fond de moi je trouvais ses emprunts ou «copies» pas bien grave, en plus je ne les faisais pas systématiquement. Je poursuivis ma lecture :
Aussi si tu recommences, je ne t’écrirai plus jamais et j’entrerai en correspondance avec un terrien plus beau, moins bête et plus sympa que toi ( ça ne doit pas être bien difficile à trouver ! )
Animia
Je fus de mauvaise humeur pendant toute la journée et je ressassais sans cesse les phrases de la lettre.
Bête ! Je ne me trouvais pas plus bête qu’un autre. Plus beau ! Sans me vanter, le reflet que me renvoyait mon miroir n’était pas du tout désagréable : j'étais doté d’une tignasse noire et indisciplinée, des yeux bleus, d’un nez convenablement proportionné... Bon d’accord on devait trouver beaucoup mieux, mais quand même !
Ce n’est que le soir avant de me coucher que je répondis à sa lettre injurieuse :
(Chère !) Animia
Tu peux fort bien changer de correspondant puisque tu n’aimes pas les copieurs. Pourtant je dois te dire que je reprends seulement les formules de politesse que tu mets en conclusion à tes lettres, car figure-toi, il n’en existe pas des centaines. Niveau beauté, intelligence et gentillesse tu es largement en dessous de moi, en tous les cas, tu ne vaux certainement pas mieux. Au revoir ou adieu!
Je préfère ne pas mettre de conclusion, tu pourrais encore m’accuser de copier.
Je dormis fort mal cette nuit là, j’essayai de découvrir qui dans l’affaire avait tort ou raison. Le matin dès 6 heures je fus debout, j’ouvris les volets et je ne vis rien, même pas ma lettre. Il n’y avait rien, rien que la pierre grise et usée par le temps du rebord de ma fenêtre. Animia avait pris ma lettre et n’y avait pas répondu, à moins qu’il ne soit trop tôt... non c’était impossible, le robot livrait forcément à la nuit noire et le jour arrivait. C’était fini, plus jamais je n’ouvrirai cette fenêtre pour trouver une lettre venant de Zywak. Je scrutais alors le ciel espérant... espérant quoi ? Je repoussai le battant et m’allongeai sur mon lit ; mes pensées se mirent à vagabonder : je revis Animia, j’eus l’impression d’entendre l’écho de son rire, les souvenirs défilèrent dans mon esprit. Pendant les cours, je fus distrait et rêveur, tout le monde parlait sauf moi et personne n’écoutait, même moi, et par malchance ce fût moi qui écopa de deux punitions !
Je dus éteindre tard pour terminer mes punitions. Je fus donc crevé le lendemain et tout me parut plus gris que d’habitude ; le seul avantage que j’avais à être fatigué, c’est que je ne pouvais pas maudire ma bêtise.
Effectivement, je pensai que si je n’avais pas envoyé cette stupide lettre, elle m’écrirait encore. Plus les jours passaient plus j’étais mal en point et je me sentais fiévreux, visiblement j’avais du attraper un microbe. Lors d’un repas dans le réfectoire, je fus pris de tremblements et je sombrai dans un gouffre où ma dernière pensée fut que cela faisait une semaine que la correspondance entre la Terre et Zywak n’existait plus.