– Le voilà enfin, ce fichu château, déclara Vérité.
Devant eux se dressait un mur gris percé de quelques meurtrières, au bas duquel un large fossé rempli d'une eau verdâtre avait été creusé. Le château avait un côté menaçant : il se tenait sur sa colline comme un monstre prêt à dévorer sa proie. Ce n'était pas vraiment le lieu de halte que les gens sensés choisissent.
– Il n'y a pas de pont-levis et les douves sont larges, constata Ornella.
– Faisons le tour du château pour voir s'il n'y a pas une façon d'entrer, proposa Yvi.
– Nous pourrions lancer un grappin si nous en avions un, suggéra Piscis.
A peine le centaure avait fini sa phrase, le grappin et la corde lui arrivèrent dans la main. Et oui, cela sert d'avoir une amie sorcière... quand elle se rappelle de ses formules ! Un peu étonné, mais pas plus que ça, Piscis, lança le grappin par trois fois. La troisième fut la bonne. Il tira sur le grappin pour vérifier que la prise était solide. Elle l'était, mais pas le mur, car en tirant sur le grappin, un morceau de pierre tomba. Elle descendit rapidement et fit un grand bruit en crevant la surface de l'eau. Comme ils étaient près du bord, nos amis furent éclaboussés par l'eau nauséabonde. Deux ou trois jurons se firent entendre.
– Si ce château part en morceau aussi facilement, nous pourrions entrer en détruisant le mur, annonça le chevalier.
– C'est simpliste comme idée, mais il est vrai qu'en nageant jusqu'au mur, nous pourrions peut-être desceller quelques pierres et pénétrer dans l'enceinte du château, affirma l'oracle.
– Oui, mais qui va accepter de nager dans cette eau ? demanda Louve.
– Vérité, pourquoi n'irais-tu pas ? interrogea la sorcière.
– Parce que je n'aime pas l'eau. C'est déjà assez dur comme cela de devoir se laver, si en plus en dehors des bains, il faut aller s'amuser à nager, ce n'est plus supportable ! protesta le troll.
– Ne vous demandez plus qui va y aller, j'irai ! s'exclama le chevalier.
– Et voilà, Vérité, tu échappes au bain ! s'écria le lutin.
Le chevalier se dépouilla de son armure légère, ôta son pourpoint, ses chausses... finalement il ne garda que son caleçon.
– Il n'est pas mal, non ? murmura Nyssa à Yvi.
– Un peu jeune pour moi, je dois bien avoir 45 ans maintenant, chuchota Yvi à l'oreille de l'elfette.
– Que penses-tu du chevalier Ornella ? demanda Nyssa dans un murmure.
– J'en pense que je préfère le troll qui est à côté de lui. Mais c'est certain que le chevalier est mieux comme ça, répondit la sorcière à voix basse.
Le chevalier trempa le pied dans l'eau pour en tâter la température, puis il hurla avant de reculer précipitamment. Trop rapidement puisqu'il perdit l'équilibre et il eut beau faire des moulinets avec les bras, il chuta et atterrit durement sur le sol herbeux. Un sifflement se fit entendre et les autres purent voir une sorte de dragon ou de serpent sortir sa tête des eaux.
– C'est raté pour les douves, elles sont déjà habitées, déclara Libellule exprimant à haute voix la pensée générale.
– Comment ça va ? demanda l'elfette au chevalier.
– Bien pour quelqu'un qui s'est cassé la figure, répondit celui-ci en se relevant.
– Réfléchissons bien, comment va-t-on entrer ? questionna Louve.
– Psst, fit une voix.
– Qui a dit ça ? demanda Louve.
Une mince silhouette apparut de derrière un buisson. Elle s'approcha craintivement de nos amis. Ceux-ci regardèrent la personne s'avancer : elle boitait légèrement, était très petite, et paraissait très jeune.
– Comment te nommes-tu ?
Louve, une fois de plus, se chargeait du questionnement.
– Itnaï, je peux vous aider à pénétrer dans le château, il suffit d'emprunter le tunnel. Je vais vous montrer le chemin.
– Attends, qui nous dit que ce n'est pas un piège ? demanda Louve.
– Tu devrais arrêter de douter de tout. Itnaï est le dernier des mois, sa ligne de vie est claire sur ce point. C'est elle qui a libéré le mal d'ailleurs, répondit le petit oracle.
– Comment le sais-tu ? interrogea Itnaï devenue toute blanche d'un coup.
– Je suis un oracle. Je lis dans les êtres comme on lit dans un livre, je déchiffre les yeux et les astres. Je vois là où les autres sont aveugles et je vais là où je ne suis jamais allé. Je suis un oracle, déclara Pierrot avec une emphase qui se mariait mal avec son corps de petit garçon.
– C'est à cause d'elle que nous vivons cette aventure ! s'exclama le chevalier comme s'il avait brusquement intériorisé ce que Pierrot avait dit.
– Non. Elle est décembre, elle est la coupable innocente comme le dit la prophétie, expliqua Pierrot.
1 commentaire:
le suspens dure...
bien joué!
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