– Tu vois ses mèches grises dans mes cheveux, ses fines rides sur mon visage, c'est la vieillesse qui vient avant son heure. Cela a commencé depuis que les mots de la prophétie sur juillet ont été prononcés, répondit Yvi tristement.
– Les astres en ont décidés ainsi, comme ils ont choisi que tu sois promise à une grande destinée, expliqua Pierrot.
– Et toi l'Oracle quel est ton destin, ta faiblesse ? demanda Kinglion.
– Mon destin est de vous suivre et de porter la parole des astres où que vous alliez. Mon âge est mon défaut. Vois-tu malgré ma clairvoyance, il me manque l'expérience. J'ai beau lire dans vos yeux qui vous êtes, qui vous serez, je n'ai pas mes propres mes expériences à opposer en comparaison, répondit Pierrot.
– Alors, dis-nous qui nous sommes, qui nous serons ! s'exclama le chevalier qui visiblement ne croyait pas un mot de ce que disait le jeune Oracle.
Pierrot plongea ses yeux verts dans ceux noisettes du chevalier. Il prit un air très concentré et ses yeux verts semblèrent pâlir.
– Tu as le courage dans les veines, l'incrédulité dans les yeux, le cœur honnête et fidèle, l'optimiste dans le visage et le manque de culture à la bouche. Tu changeras en bien : ton courage ne fléchira pas, mais tu perdras ta témérité, tu gagneras en force et en ruse et ta bouche saura utiliser un autre langage. En revanche, tu ne porteras plus ton cœur en bandoulière, tu le cacheras pour protéger tes sentiments et tes qualités de cœur, déclara enfin le petit Oracle d'une voix étrangement lointaine.
– Et est-ce qu'on a tous le droit aussi à une analyse aussi détaillée ? interrogea le centaure.
– Toi, tu te surnommes Piscis. Ta carapace écaillée cache toutes ses blessures. Tu rêves d'être comme les autres, de te fondre dans la foule. Tu veux accomplir des exploits pour qu'on oublie ton allure de poisson qui se marie mal avec ce demi corps d'étalon. Tu as l'esprit de sacrifice aussi. Ce que tu seras est ce que tu es sauf que tu finiras par accepter ta différence, répondit l'Oracle.
– Chut, j'ai entendu un bruit ! s'exclama tout à coup Vérité, le troll.
Le silence se fit et on entendit un craquement, puis un autre. L'instant d'après quatre énormes griffons apparurent et attaquèrent la troupe. Vérité fut le plus rapide, attrapant d'un geste sec sa massue placée derrière son dos, il sauta sur le dos d'un griffon, ce qui fit tomber Libellule de son épaule. Il frappa une fois, deux fois alors que l'énorme oiseau à tête de lion tentait de le faire chuter. Ensuite Ornella et le chevalier agirent dans un bel ensemble, elle, en lançant un sort et lui, en tailladant une aile d'un coup d'épée. Le dernier griffon, qui n'avait pas encore trouvé d'opposant, se jeta sur l'elfette Nyssa qui hurlait de peur. Fort heureusement Kinglion d'un bond gracieux vint s'interposer en l'elfette en détresse et le griffon. Pendant ce temps Yvi s'occupait de récupérer le pauvre Libellule tout en lançant habilement des poignards sur les griffons qui passaient dans son champ de tir alors qu'ils se défendaient contre les assauts de ses compagnons. Le centaure armé aussi d'une épée aidait le chevalier. Seuls l'Oracle, Libellule et l'elfette ne firent rien...enfin si, Nyssa cria pendant tout le temps que dura le combat. La victoire fut relativement rapide : Vérité finit par achever son griffon à coup de massue, le chevalier et le centaure tuèrent le deuxième avec leurs épées, le troisième se vit terrasser par un dernier éclair lancé par Ornella et le dernier périt sous les dents de Kinglion bien aidé par les poignards d'Yvi. Tout redevint silencieux. Nyssa pleurait maintenant en silence, Libellule maugréait dans son coin et Pierrot interrogeait la prophétie. Les combattants reprenaient leur souffle et semblaient comme étonnés du retour au calme. Finalement Vérité détendit l'atmosphère en partant d'un bon rire.
– On leur a mis la pâté à ces oiseaux de malheur ! s'écria-t-il.
– Etait-ce déjà les premiers assauts du mal ? demanda le chevalier.
– Non, le mal ne lancera sur vous, enfin nous, que les pires horreurs et cherchera à créer des conflits afin que les douze mois se séparent selon la prophétie, répondit promptement Pierrot.
– Les pires horreurs, c'est-à-dire ? interrogea Libellule.
– Sûrement des monstres et des créatures mythiques. Ou juste nos cauchemars à nous, par exemple pour toi Vérité, il enverra une colonie d'araignées, ou d'autres choses à même d'effrayer l'un d'entre nous, suggéra Yvi.
Pierrot acquiesça d'un signe de tête et rangea la prophétie dans son manteau. Le silence retomba sur les neuf mois. Chacun s'était replié sur lui même. Il faut dire que l'attaque des griffons avait rappelé à tous que ce voyage n'était pas une partie de plaisir. Le ciel gris sombre, l'herbe et les arbres noircis semblaient maintenant peser comme une chape de plomb sur la petite troupe. Tout paraissait irréel, et encore plus avec le ciel immobile, le paysage mort, l'absence des bruits de la vie et du vent. La course à travers la lande vide toujours tout droit était comme hors du temps, on aurait dit que cette cavalcade dans la cendre ne s'arrêterait jamais. L'air devenait de plus en plus glacial, les branches noircies tendaient des embûches sur la route ou bien raclaient le dos des cavaliers. Mais à quoi donc songeaient-ils ?
1 commentaire:
on les voit on les suit...
la suite!
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